REVISER L\'HISTOIRE-GEOGRAPHIE ET L\'ECJS.

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La nation et les nationalismes.

 

La nation peut se caractériser par des éléments objectifs, comme un territoire, un langage, une ethnie, une religion ou un Etat communs, mais ne peut se réduire à ces seuls éléments. Il existe des nations plurilingues, comme la Suisse, d'autres où cohabitent plusieurs religions, comme les USA ou l'Egypte et enfin certaines qui sont partagées en plusieurs Etats, comme la nation kurde, à cheval entre la Syrie, l'Irak et la Turquie. La nation est donc plutôt un sentiment diffus d'appartenir à une même communauté, une construction idéologique plus qu'un fait tangible.

La Nation est une construction assez récente, qui date de la Révolution Française, mais au 19eme et dans la première moitié du 20eme siècle, elle structura fortement le champ politique mondial, jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale, conflit planétaire qui délégitima la Nation et les nationalismes, porteurs de guerre. Après guerre, on assista à l'émergence de toute une série d'organisations supra-nationales au niveau politique, comme l'ONU ou l'Union Européenne, économique, comme l'OMC ou le FMI et militaire, comme l'OTAN, qui brouilla le concept de nation. Depuis le début du 21eme siècle, la crise économique mondiale, le rejet, par référendum, du Traité Constitutionnel Européen (TCE), en 2005, les nations et les nationalismes font leur retour sur la scène publique. Les partis politiques nationalistes ont le vent en poupe, comme le Front National en France et les tentations protectionnistes réapparaissent, même dans des mouvements très éloignés d'un repli national, comme l'ont illustré les propos du socialiste Arnaud Montebourg, sur la nécessité de protéger les industries nationales.

Nous allons donc narrer l'émergence du concept de nation dans le temps, puis, nous pencher sur les dérives nationalistes des Etats-Nations, enfin, dans un contexte économique et politique difficile, nous évoquerons la pertinence d'un retour à la Nation pour résoudre les crises actuelles.

 

I. Des royaumes aux nations.

 

 

Nos ancêtres les Gaulois, phrase qui faisait des tribus gauloises nos aïeux,

 


 

 

était une construction idéologique de la IIIeme République pour affermir le sentiment national qui se déployait dans des grandes figures comme Vercingétorix. Or, la Gaule n'était pas un espace politique uni, mais un territoire divisé entre plusieurs tribus gauloises qui se faisaient régulièrement la guerre. Seule la Rome antique, après les victoires de César, fit de l'hexagone un territoire relativement unifié et lui donna une langue, le français, issu du latin et du grec. La civilisation française tient donc certainement plus de la romanité que de la gauloiserie !

 

Chez les mérovingiens puis les carolingiens, qui voulurent restaurer l'Empire défunt, la notion de territoire n'était même pas sacrée, puisque les 3 petits-fils de Charlemagne, Charles le Chauve, Lothaire et Louis le Germanique se partagèrent l'empire carolingien au Traité de Verdun, en 843.

 


(Source: wikipedia)

 

Le vaste Empire franc tomba donc en quenouille, et il fallut bien des siècles pour que capétiens, valoisiens, bourbons, et le napoléonien 2nd Empire (rattachement de Nice et de la Savoie à la France, en 1860) façonnent ce que nous appelons l'hexagone. 

Le sentiment national, jusqu'à la Révolution français fut donc en gestation. Georges Duby, dans sa Bataille de Bouvines (1214), opposant le roi Philippe Auguste au Saint-Empire Romain Germanique, évoquait une bataille qui structura l'antagonisme franco-allemand. La guerre de cent ans, entre valois et anglais, elle, exacerba l'opposition franco-anglaise et donna aux français une héroïne, Jeanne d'Arc, qui symbolisa la résistance de la France à l'envahisseur. Or, la guerre de cent ans fut aussi une guerre civile, opposant Armagnacs et Bourguignons, et était plus une querelle dynastique qu'un conflit national.

C'est François 1er qui en 1539, avec l'ordonnance de Villers-Cotterêts, imposa l'usage du français dans les administrations, dans un territoire dominé par les langues vernaculaires (=patois).

Mais c'est avec la Révolution Française, à partir de 1789, que la Nation est portée aux nues. L'article 3 de la déclaration des Droits de l'homme et du Citoyen consacra la Nation (=peuple français) comme principe de toute souveraineté, remplaçant le droit divin des monarques et l'instrument du pouvoir populaire se nommera l'Assemblée Nationale.

 

II.La Nation, une construction idéologique ?

 

a°) La Nation, au coeur de la révolution française.

La France révolutionnaire, gouvernée au nom de la nation va s'opposer à l'Europe monarchique, qui tirait son pouvoir non du peuple, mais du principe dynastique, avec une légitimité de "droit divin". C'est au cri de "Vive la nation !" que les armées révolutionnaires vont battre les austro-prussiens, à Valmy, en 1792, début d'une geste guerrière qui se termina en 1815 et qui aura bouleversé le continent européen. Car ce nationalisme que les armées napoléoniennes exportèrent, sur tout le continent, va se retourner contre la France impériale, avec cette défaite de Napoléon à Leipzig, en 1813, lors de la Bataille des Nations, appellation révélatrice d'un profond changement. Le nationalisme inoculé à l'Europe par la France va donc se retourner contre cette dernière, ouvrant un siècle qui sera marqué par les mouvements nationaux.

 

b°) Les deux conceptions de la Nation, Fichte contre Renan.

2 conceptions de la Nation vont émerger dans ce 19eme siècle :

- la conception allemande, théorisée par Fichte, en réaction à l'impérialisme (=domination) napoléonien.

 

Séduit un temps par les idées républicaines, le philosophe allemand après la désastreuse défaite prussienne à Iéna, en 1806, contre les armées napoléoniennes, va redécouvrir, par opposition aux occupants français, les vertus de la germanité. Dans son Discours à la nation allemande (1807), Fichte définit la nation par des éléments dits "objectifs" comme l'histoire, la langue, la culture. Il sera le père des mouvements pangermanistes qui culmineront, dans sa forme extrême, dans le nazisme.

 

- à la conception allemande s'opposa la définition française, finalisée par Ernest Renan, en 1882, dans un discours à la Sorbonne, intitulé "Qu'est ce qu'une nation", et qui clamait qu'une nation était avant tout une adhésion à un projet. Pour Fichte, on naît allemand, pour Renan, on devient français. La conception allemande, essentialiste et fermée, était grosse de dérive "raciste", alors que la nation à la mode française, était une réalité ouverte, puisque n'importe qui pouvait devenir français à condition qu'il adhèra au projet républicain.

 

On retrouvera ces deux notions de la nation dans l'acquisition de la nationalité d'un pays. En Allemagne, le droit du sang, donne la nationalité à un individu né de deux parents allemands, alors qu'en France, le droit du sol, fait acquérir la nationalité française à toute personne née sur le territoire français.

 

 

 

c°) Le 19eme ou le Printemps des Peuples et des Nations.

 

 

 

Le 19eme siècle vit l'apparition de nouveaux Etats, qui rassembleront des peuples appartenant à une même nation. Le Printemps des Peuples, en 1848, caractérisait une agitation nationaliste dans l'Europe entière. Dans la péninsule italienne, qui est morcelée en plusieurs royaumes, Giuseppe Mazzini, à la tête de Jeune Italie, veut rassembler les italiens dans un même état.


(Source:http://www.larousse.fr/encyclopedie/data/images/1011284-Les_d%C3%A9buts_de_lunit%C3%A9_italienne.jpg)

Si en 1848, l'unité italienne ne se fit pas, ça ne sera que partie remise, puisqu'en 1861, le royaume d'Italie fut proclamé. L'empire fédéral allemand, lui, fut crée en 1871, après la victoire de la Prusse sur les armées de Napoléon III.

 

d°) L'Etat-Nation et ses dérives.

 

Les Etats européens vont exalter leur "génie national", par le biais de l'école et de l'armée. L'institution scolaire exalta alors l'histoire nationale, au travers des personnages ayant marqué la geste du pays, comme Vercingétorix, Jeanne d'Arc ou Napoléon,  avec l'ouvrage, très patriotique,  Le tour de France par deux enfants. L'enseignement de l'histoire et de la géographie devint un vrai enjeu politique, pour magnifier les origines du pays et faire apparaître la France comme une grande nation civilisatrice, qui apportait ses lumières aux pays colonisés.

L'usage de la langue française devient obligatoire et les patois sont interdits. Les jeunes français sont éduqués pour être de bons soldats, puisque le gouvernement voudrait bien retrouver, un jour, l'Alsace-Lorraine, annexée par l'empire allemand, en 1871.

En Europe, l'Autriche-Hongrie était minée par des tensions nationales. Et c'est l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand, héritier du trône autrichien, à Sarajevo, par un jeune nationaliste bosniaque, Gravilo Princip, cet été 1914, qui mit le feu au poudre en provoquant la Première Guerre Mondiale, conséquence des dynamiques nationalistes. Même les socialistes européens, qui dénigraient la nation au profit de l'internationalisme prolétarien, au cri de "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous", allait se rallier à la guerre, point d'orgue des nationalismes exacerbés et responsable d'un carnage sans précédent.

 

Loin d'éloigner les délires nationalistes, la fin de la première guerre mondiale, consacrant, avec le président Wilson, le principe des nationalités et du droit des peuples à l'autodétermination, et l'inique (=injuste) Traité de Versailles, relancèrent les dynamiques nationales.

 

 Comme l'avait prévu l'historien français Jacques Bainville, les alliés avaient gagné la guerre mais allaient perdre la paix. La désignation de l'Allemagne comme seule responsable du conflit mondial, l'amputation d'une partie de son territoire à l'est et à l'ouest, avec le retour de l'Alsace-Lorraine à la France et la création de la Pologne, sur des terres jadis allemandes, et les énormes réparations financières réclamées par la France à sa rivale, vont relancer la dynamique nationaliste teutonne, sous une forme radicale, avec l'arrivée des nazis et de leur théorie raciste au pouvoir, en Allemagne, en 1933. Hitler, produit de la crise de 1929 et du Traité de Versailles, portera la logique nationale allemande, imaginée par Fichte, jusqu'à l'exclusion des non-allemands de la communauté raciale.


 

 

L'aryen sûr de lui et dominateur se posera comme un maître absolu face aux peuples juif et slave, entraînant le monde dans un tourbillon de violence presque sans fin aboutissant au génocide des juifs. Nous pouvons voir Auschwitz comme la finalité radicale de la conception fichtéenne de la nation, qui caractérise l'allemand par son sang, et qui, par opposition, voyait dans l'étranger une menace pour le peuple germain. Hitler aura porté à son incandescence cette notion essentialiste de la nation.

 

En Asie, le nationalisme japonais s'est aussi déchaîné, notamment contre la Chine, avec le funeste massacre de Nankin, en 1937.

 

 

 

III. La fin des nations ?

 

 

 

 a°) Les institutions supra-nationales.

 

 

 

La carnage des deux conflits mondiaux, dont le nationalisme exacerbé fut une cause principale, va délégitimer l'idée de nation, porteuse, dans sa forme idéologique, de guerre. Dès 1945, l'Organisation des Nations Unies se donne pour mission de gérer les conflits à venir, ci-besoin par la force.

 

Au niveau économique, le GATT, crée en 1947 (désormais remplacé par l'Organisation Mondiale du Commerce), aura pour objectif de favoriser le commerce mondial et l'échange de marchandises, en luttant contre les protectionnismes économiques, vecteurs de conflit.

 

La Communauté Economique Européenne viit le jour avec la signature du Traité de Rome, en 1957, créant un espace économique intégré, qui aboutira à l'Union Européenne et à la monnaie unique, au début des années 2000.

 

Au niveau militaire, l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN), fondée en 1949, sous contrôle américain, se voulait une armée internationale, réunissant les pays occidentaux. 

 

Un projet de Communauté de Défense Européenne, consacrant une armée européenne, concernant les pays de l'Ouest, vit même le jour, en 1952, mais fut rejeté par l'Assemblée Nationale française, sous la pression des communistes et des gaullistes.


(Source: http://s1.e-monsite.com/2009/08/07/04/46297706ced-gif.gif)

 

 

A l'Ouest, en effet, et notamment en France, le RPF gaulliste, défendait la Nation française et s'opposait à la supranationalité.

 

De même, la guerre froide, opposant les USA à l'URSS, va rendre difficile l'efficacité de ces institutions supranationales.

 

 

 

b°) La crise des institutions supranationales et le retour des nationalismes ?

 

 

 

C'est d'abord l'URSS, la "patrie des travailleurs", état fédéral, qui disparut en 1991 sous le coup des nationalismes russe, ukrainien et biélorusse. Le projet socialiste, internationaliste par essence, se fracassait donc sur les rochers des nationalismes et confirmait la prédiction de De Gaulle: "la Russie boira le communisme comme le buvard boit l'encre !".

 

Malgré 74 ans de marxisme-léninisme qui oeuvrait pour un internationalisme prolétarien (même si le nationalisme russe fut réhabilitée, notamment sous Staline) le fait national russe, ukrainien ou biélorusse ne disparût pas, démontrant la prégnance de celui-ci.

 

La crise yougoslave, plus grave, prouva encore une fois que le fédéralisme était fragile, sous la pression des forces centrifuges croates, slovènes, bosniaques et kosovares.

 

Encore une fois, malgré plus de 50 ans de titisme qui voulait fondre les croates, les serbes, les slovènes, les bosniaques et les albanais dans un même moule socialiste, la fin de l'URSS fut fatale à la fédération Yougoslave, qui se déchira entre ses peuples, aboutissant à une fragmentation de l'espace politique qui donna naissance à plusieurs pays, la Slovénie, la Croatie, la Bosnie et la Serbie, sur une base ethnique. La guerre qui déchira les Balkans fit entre 200 et 300 000 morts, de 1991 à 2001, démontrant, encore une fois, les dérives belliqueuses des nationalismes exacerbés.

 


 

(Source: http://www.terrepolitique.com/wp-content/uploads/2008/02/yougoslavie1.gif)

 

 

En Belgique, les antagonismes entre Flamands et Wallons illustrent bien la difficulté de créer une nation, lorsque la culture et la langue sont différentes.

 

Aujourd'hui, en Syrie, la guerre civile qui fait rage illustre bien la fragilité des projets des Etats-Nations, puisque le pouvoir syrien n'a pas réussi à rassembler autour d'un projet politique national, les alaouites, les sunnites, les druzes et les chrétiens.

 

 

 

En France aussi, l'état central fut souvent remis en cause par les régionalismes corse, basque et breton. Les langues régionales, interdites pendant longtemps, sont revenus à l'honneur et sont enseignées à l'école.

 

 

 

Si ce retour des nations est le fruit de la fin de la guerre froide, il n'en reste pas moins qu'avec la crise, la défiance envers les institutions supranationales se fait plus pressante. Malgré l'adoption d'une monnaie unique, l'euro, par une grande partie des membres de l'Union Européenne, cette dernière est en crise depuis le rejet par référendum du Traité Constitutionnel Européen (TCE), par les français, en 2005, illustrant le divorce entre les citoyens et l'Europe.

 

 

 

c°) La Nation et le protectionnisme, recours à la crise économique ?

 

 

 

Depuis la fin du 20eme siècle, les partis nationalistes, comme le Front National en France, qui fut au second tour de la présidentielle en 2002, le parti Jobbik en Hongrie, la Ligue du Nord  d'Umberto Bossi, en Italie, le British National Party, en Angleterre, l'Aube Dorée en Grèce, ou le parti des Vrais Finlandais, gagnent du terrain et influencent les partis de droite traditionnels. Le thème de l'identité française, rabaché par le gouvernement Fillon, sous la présidence de Nicolas Sarkozy a démontré que les problèmes identitaires, liés à la nationalité, revenaient en force.

 

Au niveau économique, le libéralisme ambiant, sous l'égide de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), l'ouverture des frontières aux marchandises, les délocalisations des entreprises européennes vers des pays ayant une main d'oeuvre bon marché, ont relancé les idées de protectionnisme économique. En France, le démographe Emmanuel Todd, un homme de gauche, défend l'idée d'un protectionnisme européen, reprise par Jean-Luc Mélenchon et le socialiste Arnaud Montebourg s'y est dernièrement mis en utilisant l'expression "démondialisation".

 

Les partis nationalistes, eux, sont plus radicaux,  et le Front National, veut fermer les frontières et sortir de la monnaie unique pour revenir au franc.

 

Ces solutions protectionnistes, si elles apparaissent attirantes, peuvent être dangereuses, puisque ce que nous pourrions gagner, en produisant en France, pourrait être un jeu à somme nulle, puisque nous perdrions, mécaniquement, des marchés à l'export. En effet, fermer son marché intérieur aux produits étrangers en réintroduisant des taxes aux frontières françaises générerait, automatiquement, des rétorsions économiques de la part des pays étrangers, pénalisant les produits français à l'export.

 

 

 

Conclusion:

 

Dans son acception (=définition) française, la nation, ouverte à tous, relevant de l'adhésion à un projet, reste une construction politique qui peut s'avérer pertinente, puisque les grandes organisations supranationales, éloignées des citoyens, se transforment souvent en lointaines technocraties. Il n'en reste pas moins que si la nation peut avoir sa place dans le monde d'aujourd'hui, sa version idéologique, le "nationalisme", par sa dimension exclusive, qui privilégie un repli sur soi et une méfiance envers les étrangers, est porteur des germes de la guerre, comme l'ont illustré  les deux guerres mondiales, fruits des antagonismes entre nations.  La crise a renforcé l'euroscepticisme alors que les défis de l'avenir devraient plutôt renforcer la coopération et l'intégration européenne. Mais faut-il que le projet européen soit lisible par tous les citoyens.

 

 

 

Un petit QUIZZ pour vérifier vos connaissances.

 

 

 

 

 

 

 



26/06/2013
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