REVISER L\'HISTOIRE-GEOGRAPHIE ET L\'ECJS.

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Les médias, de Guttenberg à Internet.

Il est de bon ton, aujourd'hui, de critiquer les médias, qui ne seraient que les relais de la pensée dominante, des puissances d'argent, manipulant et censurant pour pérenniser le pouvoir d'une oligarchie prédatrice comme le laissait entendre le documentaire Les nouveaux chiens de garde, de Serge Halimi. Si cette critique des médias est ancienne et est en partie justifiée, elle tombe souvent dans la caricature et ne tient pas compte des nouvelles technologies de l'information, dont internet, qui ont profondément révolutionné le champ médiatique.

 

I.La critique des médias.

 

1°) Marx ou des médias à la solde de la bourgeoisie.

 

Pour Marx, ce sont les rapports de production ou infrastructure, qui déterminent la "superstructure" les institutions politiques, le droit, la philosophie, la morale, bref, le monde des idées. Les médias, la presse et les livres à son époque, ne font que relayer les idées de la classe dominante, la bourgeoisie, qui par ce biais, pérennise son système de domination sur la classe ouvrière.

 

2°) Antonio Gramsci et l'hégémonie culturelle.

 

Pour le philosophe marxiste Antonio Gramsci, mort dans les geôles mussoliniennes,


 (Gramsci dans les années 20. Source: wikipedia)

expliqua la perpétuation de la domination bourgeoisie et la pérennisation du capitalisme, dont Marx avait annoncé la mort imminente, par l'hégémonie culturelle bourgeoisie qui arrive à imposer un consentement par le biais des industries culturelles (radio, cinéma ...) au peuple, pour que ce dernier ne se révolte pas et adopte même les intérêts de cette bourgeoisie.

 

3°) L'Ecole de Francfort et les industries culturelles.

 

L'Ecole de Francfort est un mouvement philosophique né dans les années 30, dont les leaders étaient Theodor Adorno et Max Horkheimer qui avaient finalisé leurs travaux dans leur livre "La dialectique de la raison", et qui analysèrent les effets de la massification au travers des nouvelles techniques de production de l'information et des biens culturels. Leur conclusion met l'accent sur la standardisation des productions culturelles soumises, comme les industries, à la loi du profit et destinées à donner à la majorité ce qu'elle veut, des spectacles divertissants, contribuant à l'abrutir et à la détourner des vrais problèmes.

 

4°) Bourdieu et la logique interne du champ médiatique.

 


 

Le sociologue Pierre Bourdieu a mis l'accent sur le statut précaire de la classe journalistique, composée de beaucoup de précaires et qui intègre, inconsciemment, des manières de penser en phase avec les décideurs du journal, actionnaires et annonceurs. Il existe donc un champ journalistique qui a sa logique propre, avec des acteurs qui réagissent souvent de manière identique, formés dans les mêmes écoles et tributaires des mêmes contraintes économiques et idéologiques.

En effet, les médias télévisuels et radiophoniques appartiennent à quelques grands groupes capitalistes comme Hachette, TF1 ou Vivendi, qui n'ont pas intérêt à ce que le système change. De même, les journalistes français sont formés dans 13 écoles de journalisme reconnues par la profession et dont les enseignants font souvent partie du PAF, une sorte de reproduction socio-professionnelle obéissant aux mêmes intérêts de classe.

Pierre Bourdieu constatait aussi qu'avec la baisse de l'audience des journaux écrits et l'hégémonie de la télévision, c'est la petite lucarne qui façonnait les cerveaux.

 


 

L'objectif n'étant pas d'acquérir une meilleure connaissance du monde par le biais télévisuel mais comme le disait l'ancien PdG de TF1, Patrick Le Lay, d'aider Coca-Cola à vendre son produit !

Pour Serge Halimi, rédacteur en chef du Monde Diplomatique et auteur des Nouveaux chiens de garde, les décideurs médiatiques invitent toujours les mêmes personnalités, les mêmes économistes qui font la promotion de l'idéologie libérale en écartant tout pensée hétérodoxe qui ne serait pas en phase à l'idéologie dominante. Et la multiplication des chaînes depuis la libéralisation du Paysage Audiovisuel Français, en 1984, n'équivaudrait pas à un surplus de choix, d'après Serge Halimi, puisque les centaines de télévision diffusent globalement les mêmes programmes (séries TV, jeux, films, sport) et les journalistes de ces chaînes invitent, à part quelques exceptions comme "Ce soir ou jamais", l'émission de Frédéric Taddeï, les mêmes experts. D'ailleurs, des émissions un peu corrosives comme Arrêt sur Image de Daniel Schneiderman ou Le vrai journal, de Karl Zéro, sont passées à la trappe pour ne pas être assez dans la norme !

 


 

5°) Chomsky et la fabrication du consentement.

 


 

Le linguiste Noam Chomsky, dans la lignée d'un Antonio Gramsci, voit les industries culturelles comme des relais de l'idéologie bourgeoisie dominante, qui fabriquent un consensus idéologique permettant à la classe dominante capitaliste de se pérenniser et de protéger ses intérêts.

 

II.Internet, une révolution médiatique ?

 

Ces critiques envers le système médiatique datent de l'ère pré-internet, comme le livre de Noam Chomsky, "La fabrication du consentement" (1988) ou Sur la télévision de Pierre Bourdieu (1996). Or, un nouveau média, Internet a peut-être changé la donne médiatique.

 

1°) Internet, ou la fin de la dictature des journalistes ?

 

La fabrication de l'information, avant internet, se faisait par les seuls journalistes, classe qui obéissait à des intérêts communs comme l'avait précisé Bourdieu. Entre la réalité et le public il y avait donc le journaliste, qui choisissait et traitait l'information à sa guise, la plupart du temps dans l'intérêt de ses actionnaires,  comme le prêtre était un intermédiaire obligé entre le croyant et le message divin. Des médias comme la presse écrite, la radio ou la télévision obéissaient à un schéma transcendantal, avec une information qui venait d'en-haut pour se propager dans le public sans que ce dernier ait son mot à dire.

Internet changea la donne car média horizontal, fonctionnant en réseau, , il remettait en cause la parole divine du journaliste, ancien médiateur obligé entre lui et la réalité et faisait de chaque internaute un producteur potentiel d'informations.

Aujourd'hui les internautes ne sont plus obligés de passer sous les fourches caudines des journalistes, classe formée dans les mêmes écoles et qui sont formatés pour réagir de manière identique.

 

2°) Blogs et sites ou la démocratisation médiatique.

 

Avant internet, intervenir dans le milieu médiatique, c'est à dire créer un journal, une radio ou une télévision, pouvait coûter très cher.

Désormais, créer un blog ou un site ne coûte quasiment plus rien, quelques dizaines d'euros et tous les citoyens qui veulent en créer un le peuvent ! Des mouvements idéologiques n'accédant pas aux médias mainstream peuvent s'exprimer et certains connaissent un certain succès. Lors du référendum pour le TCE, en 2005, le blog d'Etienne Chouard, qui était contre le Traité Constitutionnel Européen, a connu un succès phénoménal participant, assurément, au succès du NON alors que tous les grands médias étaient pour le OUI.

De même, dernièrement, le succès de la révolution égyptienne, doit beaucoup aux réseaux sociaux comme Twiter et Facebook, qui ont permis de coordonner les oppositions au régime de Moubarak et de faire circuler l'information censurée par le régime.

De même, internet, donne un formidable accès aux savoirs encyclopédiques et livresques, puisque des milliers de livres sont désormais accessibles par le biais du net, révolutionnant la diffusion des savoirs.

 

3°) Technologies mobiles, internet et censure.

 

Aujourd'hui, il est très difficile pour un Etat de censurer l'information. Autant lorsqu'il s'agissait de médias de masse transcendants, comme la presse écrite, la radio ou la télévision, il était assez aisé de contrôler l'information, autant la toile virtuelle et les nouvelles technologies nomades se prêtent mal à une censure maîtrisée.

Les technologies nomades, comme le caméscope puis le téléphone portable fait de chaque citoyen un journaliste en puissance. Le cas qui a fait date dans l'histoire du journalisme fut l'affaire Rodney King. Interpellé et passé à tabac par des policiers de Los Angeles, en 1991, scène filmée par un habitant du quartier avec son caméscope, la vidéo, rendue publique, fera scandale, et entraînera les émeutes de Los Angeles, en 1992.

La révolution égyptienne est ici assez emblématique des difficultés du pouvoir à contrôler l'information. La contestation au régime de Moubarak avait commencé, entre autres, avec le mouvement du 6 avril 2008, groupe informel qui s'était fait connaître via Facebook. Les blogueurs Wael Abbas et Wael Gonhim furent aussi des leaders de l'opposition numérique à Moubarak et facilitèrent la révolution égyptienne, contournant la censure du régime.

Dernièrement, les révélations de Wikileaks, même si la montagne aura accouché d'une souris, illustra bien que la censure était désormais bien difficile, pour les pouvoirs en place.


 

4°) De Big Brother au panoptique.

 

La révolution internet et les technologies mobiles ont mis donc à mal la censure et, désormais, même si le célèbre "on nous cache tout" (Nom d'un site conspirationniste)  a beaucoup de succès sur la toile, avec toutes les théories conspirationnistes, c'est plutôt dans le panoptique benthamien dans lequel nous sommes projetés, dans lequel l'information circule à la vitesse de la lumière, réduisant le monde à un "village planétaire" comme disait McLuhan.

Mais nous sommes aussi désormais submergés d'informations diverses et variées, sans le filtre journalistique pour faire le tri, ce qui donne parfois un traitement de l'information qui se résume à de la propagande.

 

Conclusion:

La révolution internet a donc profondément modifié notre rapport au monde, puisqu'elle a arraché les citoyens du seul filtre journalistique, journalistes qui étaient les seuls médiateurs entre le public et la réalité. Elle a permis une démocratisation du système médiatique, contournant les censures et les oukazes venus d'en-haut et faisant circuler l'information à la vitesse de la lumière. Mais tout progrès à son côte obscur,


 

puisque si il libère la parole citoyenne, internet peut aussi obscurcir le ciel de la réalité, puisque chaque internaute peut fabriquer sa propre vérité, fut-elle délirante !

De même, cette omniprésence des technologies mobiles libèrent et aliènent le consommateur, plongé dans un univers virtuel où sa vie privée est à nue, sous le regard de Big Brother.


Toutefois, internet a aussi libéré l'individu, en l'arrachant du système médiatique traditionnel et de la loi des journalistes. Les médias aliènent et libèrent, abrutissent et réveillent, selon que l'on soit à fond dans la consommation ou sur la voie de la connaissance et de la libération. Internet reste donc outil formidable dont l'impact sera aussi puissant que l'invention de l'imprimerie par Gutenberg.



29/09/2013
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