REVISER L\'HISTOIRE-GEOGRAPHIE ET L\'ECJS.

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Le sénat est-il utile ?

Il est de bon ton, en ces temps d'austérité budgétaire de stigmatiser quelques institutions de la République, comme le Conseil Economique et Social ou le Sénat, jugés être peu utiles et dispendieux. Le livre d'Ivan Stefanovitch et de Robert Colonna d'Istria sur Le Sénat, enquête sur les super-privilégiés de la République, est assez féroce sur le rapport qualité/prix de l'institution sénatoriale qui mène grand train pour une efficacité incertaine ! Lionel Jospin, alors premier ministre, avait même taxé l'institution d'anomalie démocratique, en 1998 !

En tant de crise, ce discours anti-élite devient récurrent. Il n'en reste pas moins, que les sénateurs jouent un rôle majeur dans la Veme République, puisqu'en tant que membre du Parlement, comme il est défini dans l'article 24 de la Constitution, ils sont dépositaires, avec les députés siégeant à l'Assemblée Nationale, du pouvoir législatif, de voter et d'initier des propositions de lois. Certes, il souffre d'un déficit de légitimité par rapport à son alter-ego du Palais Bourbon, puisqu'il n'est élu qu'au suffrage universel indirect, mais il représente les collectivités territoriales, ce qui fait de lui un acteur majeur de notre République.

Nous allons, dans un premier temps, étudier les origines du Sénat et, plus généralement, du bicamérisme, qui a marqué la plupart des constitutions françaises depuis la Révolution française. Puis, nous étudierons les pouvoirs de l'institution sénatoriale, sous la Veme République. Enfin, nous nous attacherons à analyser les mutations qui ont modifié le vénérable cénacle depuis 1958.

 

I. Le bicamérisme, ou de la limitation des pouvoirs.

 

a°) Une tradition anglaise.

 

La Veme République a institué un système politique bicamériste, avec deux chambres, l'Assemblée Nationale et le Sénat, qui constituent le Parlement. Ce système s'inspirait de la pratique politique anglaise.

En effet, dès le 14ème siècle, en pleine guerre de Cent ans, Edouard III, alors roi d'Angleterre, divisa le Grand Conseil en deux chambres, celle des Communes et celle des Lords. Les révolutions de 1640 et de 1688 excluèrent le roi anglais du pouvoir législatif, conformément au Bill of Rights qui définira, en 1689, les nouveaux principes guidant la monarchie britannique. Le pouvoir législatif sera alors exclusivement du ressort des deux Chambres.

 

 

 

 

b°) Montesquieu ou la théorie du bicamérisme.

 

 

 

En France, c'est Montesquieu qui, dans son Esprit des Lois (1748), théorisa les vertus du bicamérisme. Pour le bordelais, les deux chambres britanniques maintenaient un subtil équilibre des pouvoirs, évitant de possibles dérives autoritaires, puisque les deux assemblées, incarnant des intérêts différents, l'une, la bourgeoisie, l'autre la noblesse,  se neutralisaient. Bref, pour lutter contre le pouvoir, multiplions-les !

 

La future Constitution américaine s'inspirera des principes du français, en optant pour le bicamérisme, avec la Chambre des représentants et un Sénat.

 

 

 

c°) Le bicamérisme français, fruit des dérives de la Terreur révolutionnaire.

 

 

 

En France, c'est la Constitution du 5 Fructidor an III (1795), instituant le Directoire, qui introduisit le bicamérisme, avec un Conseil des 500 et un Conseil des Anciens, partageant le pouvoir législatif. Le rapporteur du projet constitutionnel, Boissy d'Anglas déclara:

 

"Il faut opposer une digue puissante à l'impétuosité du corps législatif. Cette digue, c'est la division en deux assemblées".

 

 

 

Les anciens conventionnels reprirent donc le principe de Montesquieu, et virent dans le bicamérisme un moyen de limiter le pouvoir législatif. Il faut dire que la France sortait juste de la Terreur révolutionnaire, imposée par une Convention dominée par Robespierre et Saint-Just, qui avait bien illustré que le pouvoir concentré dans une seule assemblée, pouvait s'avérer dangereux en ces temps incertains. 

 

Effrayés par les dérives terroristes de cette feu Assemblée Constituante, élue au suffrage universel masculin, en 1792, les anciens conventionnels modérés allaient faire de la chambre haute, le Conseil des anciens, ancêtre du Sénat, le pivot du Directoire, puisque cette chambre composée de 250 représentants de plus de 40 ans, pouvait rejeter les lois votées par le Conseil des 500 et nommer les 5 directeurs qui exerçaient le pouvoir exécutif.

 

Dans les autres régimes politiques que connaîtra la France, par la suite, une chambre haute sera la norme avec des appellations différentes, Tribunat durant l'Empire, chambre des pairs, sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, Sénat sous la IIIeme et Veme République, Conseil de la République durant la IVeme  République. Seule la 2nde République entre 1848 et 1951, retournera au monocamérisme jusqu'au coup d'Etat de Louis Napoléon Bonaparte, en 1851,

qui rétablira les deux chambres.

 

 La Veme République rétablira un Sénat avec un pouvoir législatif, alors que sous la IVeme, la chambre haute, nommée Conseil de la République, n'avait qu'un pouvoir consultatif.

 

 

 

II.Le Sénat, acteur majeur de la Veme République.

 

 

 

a°) Le Sénat représente les collectivités territoriales.

 

 

 

Alors que l'Assemblée Nationale est élu au suffrage universel direct, le Sénat, représente les collectivités territoriales, selon l'article 24, il est élu au suffrage universel indirect. L'institution sénatoriale a donc un déficit de légitimité par rapport à son homologue du Palais Bourbon, puisque son électorat se compose de grands électeurs qui font partie:

 

- des communes.

 

- des départements.

 

- des régions, depuis 1986, date des premières élections régionales.

 

- des collectivités à statut particulier.

 

- des collectivités outre-mer.

 

 

 

Sur ces 150 000 conseillers des collectivités territoriales, 142 000 sont des conseillers municipaux, soit 95 % du corps électoral. Or, comme la France a 36000 communes, le Sénat est souvent perçu comme le représentant de la France rurale, plutôt conservatrice. D'ailleurs de 1958 à 2011, le sage aréopage a toujours eu une majorité de droite. Il aura fallu attendre octobre 2011, pour voir le premier président du Sénat de gauche, en la personne de Jean-Pierre Bel.

 


 

 

Le sénat  obéit donc à une logique élitiste qui est dans la conception, historique, d'une chambre haute, sensée, par son conservatisme, compenser l'ardeur législative de l'Assemblée Nationale.

 

 

 

b°) Il vote et propose les lois.

 

 

 

Selon l'article 24 de la Constitution, le Sénat et l'Assemblée Nationale forme le Parlement, qui vote la loi et contrôle l'action du gouvernement. L'institution sénatoriale est donc dépositaire, avec son alter-ego du Palais Bourbon, du pouvoir législatif. Il peut amender les textes législatifs (article 44).

 

La double lecture des textes de loi, par les deux assemlées,  améliore grandement la qualité de ces derniers.

 

L'article 39, dispose que le Sénat, comme le gouvernement et l'Assemblée Nationale, a une initiative législative puisqu'il peut déposer des propositions de lois.

 

 

 

c°) Le Sénat et les révisions constitutionnelles.

 

 

 

Le Parlement peut être à l'initiative d'une révision de la Constitution (article 89) avec une proposition de révision. Lorsque les deux assemblées se mettent d'accord sur le texte identique, il est soumis au référendum.

 

Les sénateurs peuvent aussi saisir le Conseil Constitutionnel, si ils sont 60, pour juger de la constitutionnalité d'une loi ou d'un traité international (article 61).

 

Pour un projet de révision constitutionnelle, venant du gouvernement , sur décision du Président, le Parlement peut-être réuni en Congrès. Si les 3/5 des parlementaires votent pour le texte, le projet est adopté sans passer sous les fourches caudines des français, par le biais d'un référendum.

 

Après le rejet du Traité Constitutionnel Européen ou TCE en 2005 par référendum, le président Nicolas Sarkozy, devant l'euroscepticisme des français, n'a pas voulu prendre le moindre de risque, et a fait valider le Traité de Lisbonne, ersatz du TCE, modifiant le fonctionnement institutionnel de l'Union Européenne, par le Parlement  réuni en Congrès, en 2008.

 

Les partisans du non au TCE (extrême-gauche et extrême-droite) ont crié au scandale et au déni de démocratie, accusant le gouvernement d'ignorer le vote des français, en 2005, pour faire passer un texte très proche, par la voie parlementaire.

 

 

 

d°) Le Parlement et la guerre.

 

 

 

Le Parlement autorise une déclaration de guerre (article 35) et l'état de siège, décidé par le gouvernement, doit être prorogé, au bout de 12 jours, par un vote des deux assemblées (article 36).

 

 

 

e°) Le président du Sénat, 3eme personnage de l'Etat.

 

 

 

Dans l'ordre protocolaire, le Président du Sénat est le 3eme personnage de l'Etat, derrière le Président de la République et le Premier Ministre, mais devant le Président de l'Assemblée Nationale. 

 

Selon l'article 7 de la Constitution, il fait fonction de Président de la République par intérim, en cas de vacance de la présidence.

 

Cette situation est arrivée deux fois, dans l'histoire de la Veme République, puisque le président du Sénat de l'époque, Alain Pohera assuré la fonction suprême par intérim,  lors de la démission du général de Gaulle, en 1969 et lors de la mort du Président Georges Pompidou, en 1974.

 

Le Président du Sénat doit être consulté par le Président de la République lorsque ce dernier veut dissoudre l'Assemblée Nationale ou imposer des pouvoirs exceptionnels, comme l'autorise l'article 16.

 

Il désigne 3 membres sur 9 du Conseil Constitutionnel (article 56), deux des six personnalités qualifiées pour le Conseil National de la Magistrature (article 65), et il participe à la nomination de personnalités pour d'autres Conseils moins importants.

 

 

 

f°) La prééminence de l'Assemblée Nationale sur le Sénat.

 

 

 

L'Assemblée Nationale étant élue au suffrage universel direct, elle dispose donc d'une légitimité politique plus importante que le Sénat, seulement élu au suffrage universel indirect, par un collège de 150 000 élus des collectivités territoriales.

 

Aussi, même si les deux chambres font partie du Parlement et disposent du pouvoir législatif, c'est l'Assemblée Nationale qui, en cas de litige avec le Sénat, concernant un texte de loi, aura, en dernier ressort, le pouvoir de trancher comme dispose l'article 45.

 

De plus, le Sénat n'a aucun pouvoir sur l'exécutif gouvernemental, alors que l'Assemblée Nationale, par le biais de l'article 49, qui permet aux députés de déposer une motion de censure contre la politique du gouvernement. Si celle-ci est acceptée par l'Assemblée, le gouvernement doit présenter sa démission au Président de la République (article 50).

 

Jean-Pierre Dubois parle de "bicaméralisme inégalitaire", à propose du système français.

 

 

 

III. Le Sénat, une institution qui s'adapte ?

 

 

 

(A lire un très bon article de L'Humanité, sur ce sujet)

 

 

 

a°) L'échec du projet gaulliste de réforme du Sénat.

 

 

 

En 1969, le général de Gaulle, exaspéré par des sénateurs qui lui étaient hostiles, édita un projet de réforme de l'institution. Il voulait fondre le Sénat avec le Conseil Economique et Social (et environnemental depuis la réforme de 2008) et dépouiller l'auguste assemblée de son pouvoir législatif, pour en faire un organe consultatif sans pouvoir.

 

Le général demanda l'avis des français par le biais d'un référendum et menaça de quitter le pouvoir, en cas d'échec.

 

Avec 52,41 % de Non, les français refusèrent la réforme du Sénat et la régionalisation lors du référendum du 27 avril 1969, démontrant la résistance des représentants des collectivités territoriales à la volonté présidentielle. Humilié, De Gaulle quittera le pouvoir et mourra l'année suivante.

 

 

 

 

 

b°) France urbaine contre France rurale.

 

 

 

Pour Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel, le Sénat qui se veut représentatif des collectivités territoriales, représente surtout les communes rurales, puis sur 150 000 grands électeurs, 142 000 sont des conseillers municipaux, siégeant au conseil municipal de 36 000 communes, dont la grande majorité sont des villages ruraux où ne vit qu'un quart de la population. Cette surreprésentation des petites communes au détriment des collectivités départementales et régionales qui structurent l'espace économique, culturel  et social de la France est donc un déni de démocratie ! Il faudrait donc réformer le mode d'élection des sénateurs, pour que ces derniers représentent, de manière équilibrée, la France des différents territoires.

 

 

 

c°) Une  institution dont l'accès se démocratise.

 

 

 

Pendant longtemps, le Sénat était perçu comme un cénacle de gérontes qui finissaient leur carrière politique dans la vénérable assemblée. Or, depuis 2004, l'âge pour être éligible au Sénat est passé de 35 ans à 30 ans et à 24 ans, depuis 2011. Cette tentative pour rajeunir l'institution est louable, puisqu'en 2011, les sénateurs de moins de 41 ans représentaient 0,3 % de l'ensemble, soit un sénateur,  et la moyenne d'âge restant à 65 ans.

 

De plus, lors de la réforme de 2004, la durée du mandat de sénateur est passée de 9 à 6 ans.

 

Ces deux mesures ont été faites pour apporter du sang neuf à l'institution sénatoriale qui avait tendance à crouler sous les âges canoniques de ses sociétaires.

 

 

 

d°) Des collectivités territoriales qui évoluent.

 

 

 

Le président Nicolas Sarkozy, en 2010, avait engagé une réforme profonde des collectivités territoriales, visant à simplifier l'organisation territoriale du pays, autour de deux pôles, région/département et intercommunalité/commune. Une nouvelle catégorie d'élu local sera élu, le conseiller territorial, siégeant au conseil général et au conseil régional, à partir de 2014.

 

Cette réforme de l'organisation territoriale pourrait avoir des conséquences, souhaitables, sur la nécessaire adaptation du collège électoral élisant les sénateurs, pour une meilleure représentation des collectivités territoriales.

 

Mais cette réforme peut être remise en cause par le nouveau gouvernement de gauche, qui, majoritaire dans les conseils généraux et régionaux, ne souhaite peut-être pas remettre en cause cet avantage politique.

 

 

 

Conclusion:

 

 

 

Le Sénat est-il utile ? Oui, sans aucun doute ! La chambre haute est un élément de modération politique qui peut éviter quelques dérives politiques, que nous n'avons pas connu depuis longtemps, d'où, le sentiment de son inutilité. Il procède d'une réflexion historique sur la nature du pouvoir, qu'avait théorisée Montesquieu, et qui partait du principe que pour contrôler le pouvoir, il faut le multiplier ! L'épisode de la Terreur révolutionnaire issu de la Convention, ne fit que renforcer l'analyse du bordelais et les élites se méfieront désormais d'une assemblée unique, élu au suffrage universel (masculin pour la Convention) direct. La création d'une chambre haute fut alors un pendant oligarchique à la démocratique chambre basse, l'une modérant l'autre, partant du principe que les "grands électeurs" avaient une conscience plus éclairée de l'intérêt public que le bas peuple, souvent emporté par ses passions et séduit par des démagogues.

 

Il n'en reste pas moins que cette vénérable institution, siégeant au Palais du Luxembourg, doit se rénover pour mieux représenter les collectivités territoriales, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, puisque 95 % de ses grands électeurs sont des conseillers municipaux, presque tous issus de petites communes rurales, ce qui fait que le Sénat incarne encore une France rurale qui ne concentre que le quart de la population française.

 

 

 

Un petit QUIZZ sur le Sénat.

 

 

 



26/06/2013
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